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17 juin 2010 4 17 /06 /juin /2010 10:30

Le tailleur gris d'Andrea Camilleri (Il tailleur grigio - 2009 - traduit par Serge Quadruppani)

 

Le tailleur gris Andrea CamilleriAu matin du premier jour de sa retraite, le directeur d’une banque se sent dérouté car sorti des rituels quotidiens qui encadraient sa vie. Il évoque ses relations avec sa seconde femme, Adèle, de 20 ans plus jeune que lui ; Adèle qui vit de l’autre côté de la maison avec son jeune amant et n’a plus de rapports avec le narrateur depuis des années.

 


Voilà un Camilleri qui pourra surprendre les lecteurs habitués aux aventures de Montalbano ou aux histoires se passant à Vigata à la fin du XIXe siècle. D’abord parce qu’ils n’y retrouveront pas la langue imagée et savoureuse de l’auteur (à peine un ou deux "s’aréveiller" ou "radasse"), ni son humour et son ironie coutumières. Si l’écriture est toujours aussi fluide et agréable, le ton est plus sobre et discrètement plus grave ; comme si parler des femmes, ou au moins d’une femme, était un sujet sérieux pour Camilleri ?
Car ce livre, c’est surtout le portrait d’une femme. Celle-ci, vue à travers les yeux de son mari plutôt résigné, semble à première vue « une radasse » avide de sexe et de reconnaissance sociale. Mais insensiblement, le tableau se complexifie, se fait plus subtil, et Adèle échappe finalement au jugement à l’emporte-pièce initial. Camilleri, dont toute l’œuvre est plus charitable envers les femmes qu’envers les hommes (combien de portraits de gros crétins dans ses livres ?), semble nous dire qu’une femme immorale n’est pas une femme amorale. Il ne la juge pas. Au pire, pour lui, c’est juste une question de tempérament.
Et puis, à titre tout à fait personnel, le livre basculant doucement, sans heurt, vers la tragédie, l’amoureux de l’auteur que je suis n’a pu s’empêcher de faire le triste rapprochement avec le fait qu’aujourd’hui, Camilleri lui-même à 85 ans ; et que donc, selon toute probabilités, le nombre de « nouveaux Camilleri » qui me sera donné à lire à l’avenir pourrait être limité.
La quatrième de couverture évoque quelque chose des Simenon sans Maigret; rapprochement assez judicieux, il me semble.
Ce livre court (130 pages) n’est pas représentatif des ouvrages de Camilleri. C’est pourquoi je ne le conseillerai pas à qui voudrait découvrir l’œuvre de l’auteur. En revanche, je le recommande à ses lecteurs habituels afin qu’ils y découvrent une autre facette du talent du vieux sicilien.
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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 15:53

   Mammuth (2009) de Beboît Delépine & Gustave Kervern


http://a6.idata.over-blog.com/2/04/62/62/Photothek-C/Ectac.Mammuth-Film-de-Kervern---Delepine.03.jpg Serge Pilardos, ouvrier des abattoirs, se retrouve à la retraite. Mais il constate alors qu’il ne possède pas toutes les fiches de paie nécessaires pour pouvoir la toucher plein pot. Poussé par sa femme, il part sur sa vieille moto (une "Mammuth" hypra collector) sillonner les routes de l’ouest de la France à la recherche des employeurs qu’il a eus (et qui ont "oublié" de le déclarer) pour obtenir ces "papelards". De cette quête de son passé professionnel, il glissera doucement vers la recherche de lui-même.

 

Les films de Delépine et Kervern sont tous hautement sympathiques ; celui-là comme les autres. Et ici, comme dans Louise-Michel, ils nous montrent avec amusement et attendrissement –un attendrissement exempt de toute mièvrerie- le monde des prolos et ils constatent sans apitoiement ce qu’un monde libéral fait à et de ces gens qu’on dit "en bas de l’échelle"; et se placent évidemment de leur côté. Tout un discours sur le monde du travail qui peut parfois passer en une simple scène (Le boucher-charcutier du supermarché, les VRP à table dans le restaurant).
Ce road movie nous emmène avec Mammuth à une suite de rencontre plus ou moins farfelues, personnages campés le temps d’une ou deux scènes par la clique des potes de Delépine et Kervern (Dick Annegarn, Benoit Poelvoorde, Siné, Bouli Lamners, Anna Mougladis, Bruno Lochet ...), ponctuées des séquences de Mammuth taillant la route, simples images muettes d’une homme sur sa moto, tignasse cradringue au vent, nous faisant petit à petit ressentir le simple –et sans doute naïf- sentiment de liberté que l’on peut éprouver à parcourir les routes.
Dans le rôle-titre, Depardieu impose sa silhouette massive plus qu’il ne joue ; c’est un quidam plutôt taiseux, pas bien malin ("Parce que t’es con", lui dira le viticulteur Siné) que sa quête finira par amener à enfin pouvoir exprimer ses sentiments.
Yolande Moreau, sa femme dans le film, est une fois de plus parfaite, employée de supermarché qui fait face, qui se débat - et qui nous gratifie de quelques scènes et répliques cultes-. Est-il encore une fois nécessaire de dire que cette actrice est géniale ? Regardez-la juste dans sa dernière scène, au moment du retour de Mammuth tandis qu’elle se rase les aisselles !
Le rôle tenu par Isabelle Adjiani peut sembler a priori en décalage. Mais à la réflexion, c’est elle le moteur (le moteur de la Mammuth ? -sa 1ère apparition coïncidant avec celle de la moto-), la force qui pousse Serge Pilardos à poursuivre sa quête, c’est elle qui nous amène insidieusement à envisager un Mammuth plus profond, plus épais psychologiquement (et tellement enfermé en lui-même) qu’il n’y semblait.
En prime, on pourra ça et là trouver quelques clins d’œil cinématographiques de bon aloi plus ou moins volontaires (le début peut faire penser à La fille aux allumettes de Aki Kaurismaki ; Depardieu sur sa Mammuth rappelle parfois le Nanni Moretti de Caro Diaro ; la séquence avec le cousin semble explicitement évoquer le 1900 de Bernardo Bertolucci).
Le film fait aussi référence aux années 70 (la séquence avec l’autre vieux motard) notamment par l’utilisation d’une pellicule à gros grain (parfois même très gros grain).

Finalement, le film des deux compères est a priori moins directement dénonciateur que Louise-Michel, moins réjouissant qu’Aaltra. Mais il tombe pourtant à pic, en ces temps de discussions sur le mode de financement des retraites, en prenant le contre-pied de la pensée unique prônée par des experts et spécialistes (spécialistes surtout pour se faire reconnaître comme tel par les médias...), économistes et autres technocrates –qui tous n’auront eux jamais aucun problème de retraite !- dont la solution est de nous faire travailler plus longtemps. Delépine et Kervern semblent nous dire que la retraite, c’est peut-être enfin le moment d’essayer de se retrouver soi-même. Autant la prendre le plus tôt possible !

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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 15:01

Queue de poisson (Skinny Dip - 2004) de Carl Hiaasen, traduit de l'anglais (américain) par Yves Sarda.


Queue de poisson Carl HiaasenAu cours de leur croisière en paquebot au large des côtes de Floride pour célébrer leurs deux ans de mariage, le docteur Charles « Chaz » Perrone profite d’une promenade nocturne sur le pont du navire pour balancer sa femme Joey à la mer. Mais, contrairement à ce que va croire Chaz, Joey, grâce à un passé de nageuse émérite et une volonté aiguisée par la colère, survit à sa chute et à ses huit heures dans l’océan. Elle est recueillie par Mick Stranahan, un ex-flic quinquagénaire qui vit seul avec un vieux doberman sur une petite île à quelques miles des côtes. Après avoir raconté son histoire à Mick, plutôt que d’envisager un procès pour tentative de meurtre, Joey décide de continuer à passer pour morte et, aidée de Mick, de pourrir la vie de son dorénavant ex-mari.


Voilà un petit polar bien sympa, au style d’écriture assez détaché, un poil sarcastique et à l’humour qui pourrait peut-être parfois évoqué un peu le Westlake de Dortmunder en moins loufoque, voire Elmore Leonard. Tous les stratagèmes qu’utilisent Joey et Mick pour nuire à Chaz se suivent avec plaisir et nous valent quelques scènes amusantes. On sourit aussi de voir Chaz se délabrer un peu plus à chaque chapître, tout ce qu'il entreprend pour s'en sortir ne tournant pas comme il l'aurait voulu, d’autant que rapidement d’autres personnages vont s’en mêler et eux aussi prendre part à la chute de Chaz.
Hiaasen met effectivement en scène toute une galerie de personnages qui, tous ou presque, ont un petit grain: Chaz Perrone est un docteur en biologie qui a acheté ses diplômes, il est lâche, veule, égocentrique, soumis, avide, menteur et obsédé sexuel. Mick, suite à plusieurs mariages ayant mal tourné, est un poil misanthrope ; de même que Corbett, le frère de Joey, éleveur qui habite en Nouvelle-Zélande avec ses moutons pour toute compagnie. Il y a aussi Karl Roolvag, le flic chargé de l’enquête qui ne croit pas au suicide de Joey tel que le raconte Chaz et qui a pour animaux de compagnie deux pythons (ce qui lui créé bien des ennuis avec ses vieilles peaux de voisines) et ne rêve que de quitter la Floride pour retourner dans le Minesota ; Samuel Johnson « Red » Hammernut, gros exploitant agricole local magouilleur, sans scrupules, ignare et grossier ; Earl Tool, un géant velu, homme de main de Red, accro aux patches anti-douleur et collectionneur de croix trouvées au bord des routes ; Ricca, une esthéticienne maîtresse de Chaz. ; ... Et tous vont faire de la vie de Chaz un enfer.
Hiaasen profite de cette histoire pour faire passer un message écolo sur la façon dont ont été saccagés les Everglades et sur la bêtise du mode de vie des habitants du coin.
Ajouté à tous cela quelques références cinématographiques, littéraires ou rock de bon aloi et vous obtenez quelques agréables et distrayantes heures de lecture.
Quant à savoir pourquoi Chaz a voulu tuer sa femme... tout est là.

PS. A regretter toutefois un traducteur qui abuse par moments de la déplorable tournure de phrase à la mode : ... de chez ... ("grave de chez grave" ou "riche de chez riche", etc...).

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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 12:50

Moon, film anglais de 2009, réalisé par Duncan Jones*, avec Sam Rockwell et Kevin Spacey.


Moon.jpg

La société Lunar possède le monopole de l’exploitation du sous-sol de la Lune et en extrait de l’hélium 3, une nouvelle ressource énergétique pour la Terre. Depuis sa base lunaire, Sam Bell, l’employé de Lunar, gère seul le chantier d’extraction, secondé Gerty, un robot polyvalent. A quelques semaines du terme de la mission de 3 ans de Sam, une des trois machines excavatrices autonomes tombe en panne. Sam prend un véhicule lunaire pour aller tenter une réparation, mais il est victime d’un accident et perd connaissance. Il se réveille dans la salle d’infirmerie de la base. Et alors que depuis des mois, une panne rend impossible les communications avec la Terre, Sam surprend Gerty en conversation avec les responsables de Lunar ; et se voit désormais interdit par le robot de quitter la base en attendant des secours. Mais Sam Bell veut retourner sur le lieu de l’accident.

   

Voilà un petit film de SF bien sympathique et comme on n’en fait plus ; sympathique par la modestie de ses moyens – quasiment un seul acteur qui réalise une belle performance en tenant le film à bout de bras, peu de décors, peu d’effets spéciaux- ; comme on n’en fait plus parce qu’il a le parfum de cette période assez faste du cinéma de SF que furent les années 70 (souvenez vous : Mondwest, Zardoz, Le survivant, Logan’s run, Soleynt green, A boy and his dog, Silent running...), époque où le cinéma de SF n’était pas simplement la transposition d’un autre genre dans un contexte –un habillage- SF comme ce fut le cas par la suite (le western avec Star Wars ou Outland, le polar avec Blade runner –films par ailleurs ayant leurs qualités-) mais où le thème, le fondement de ces films étaient purement SF. C’est bien le cas ici.
Au fur et à mesure qu’avance le film et que le mystère se révèle, son fond apparaît doucement et s’avère alors être (à ma plus grande jubilation) d’aborder une question éminemment dickienne qui serait grosso modo : «Qu’est-ce qui fait l’humain ? Qu’est-ce qui fait l’unicité de chaque humain ?».

Dommage toutefois que ce thème ne soit pas exploité plus en profondeur et que la fin du film ne soit pas à la hauteur du reste.http://liveforfilms.files.wordpress.com/2009/08/moon01.jpg

On pourra par moments lui trouver quelques lointains échos avec Silent running de Douglas Trumbull ou Solaris version Steven Soderbergh, voire avec certains éléments de 2001 : l’odyssée de l’espace de Kubrick.
Bon, au total, on n’a certes pas affaire à un grand film, mais ce sobre huis clos est bien tenu tout du long, sans temps mort malgré la relative modestie de ses moyens, et parvient en permanence à intriguer le spectateur.

Un film original en ces temps de blockbusters SF que pourra apprécier l’amateur de "speculative fiction".

 

*Fils de David Bowie

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