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13 novembre 2011 7 13 /11 /novembre /2011 10:17

Les voix de l'asphalte (Voices from the street – 1952-53), de Philip K. Dick, traduit de l'anglais (américain) par Nicolas Richard. Philip K. Dick Trust – 2007. Editions Le Cherche Midi – 2007.

 

Les voix de l'asphalte Philip K DickStuart Hadley est un jeune homme qui travaille comme vendeur dans un petit commerce d'appareils électroménagers. Marié, sa femme est sur le point d'accoucher. Alors qu’il semble tout avoir pour être heureux, sa situation le rend profondément insatisfait, sans qu’il en connaisse la cause, et il tente d'évacuer sa frustration par une cuite hebdomadaire. Mais c’est loin de suffire à combler le manque qu’il ressent et il reste habité par une violence enfouie. Un soir, il assiste à la conférence du révérend Beckheim, un évangéliste noir qu’il cherche ensuite à approcher. Et il rencontre Marsha Frazier, une jeune femme rédactrice en chef d’une revue fasciste et se sent attiré par elle.

 

Ce roman -longtemps inédit- est l’un des tous premiers de Philip K Dick, alors qu’il avait encore des velléités de devenir un écrivain de littérature "blanche"; un roman dont la lecture, disons-le d’emblée, ne risque guère d’intéresser que les "ultra-aficionados" de l’auteur.

Car cette histoire de jeune homme perdu, amer, déprimé, inapte au bonheur version american way of life, en quête de quelque chose dont il ignore lui-même la nature, angoisse existentielle le poussant à se jeter dans les bras du premier sauveur venu mais rapidement déçu, qui remet sa vie -qu’il ressent comme une suite de fatalités- en cause et qui finira par une nuit de "pétage de plombs" est une œuvre de jeunesse qui, n'étant la renommée de l’auteur, serait peut-être -en l’état tout du moins- demeurer dans un tiroir. En effet, voilà un récit qui se traîne, extrêmement bavard, délayé, lent, où il ne se passe pas grand’chose et dérivant parfois vers des scènes dont on cherche le lien avec le cœur du propos. De plus, Dick ne parvient pas réellement à nous faire ressentir ni l’état de malaise de Stuart -c’est plus intellectuellement qu’émotionnellement qu’on le perçoit-, ni l’ambiance malsaine de la société plutôt formatée, apeurée, engluée dans les conflits guerriers (la guerre de Corée) et la guerre froide dans laquelle il s’inscrit. Le travail inabouti d’un débutant.

Ceci étant dit, le connaisseur de l’œuvre dickienne va quant même y grappiller ça et là des éléments à même d’éveiller son intérêt.

D’abord dans les transpositions romancées d’éléments biographiques de la propre vie de Dick: comme Stuart, il était, lors de la rédaction de ce livre, vendeur dans une petite boutique (ce qui lui permet de rendre compte la monotonie du quotidien); comme Stuart, Dick racontait qu’un jour -anecdote marquante et reflet des émotions d’une société à une époque- dans un cinéma, aux actualités, il avait vu des images de guerre montrant un soldat japonais en flammes après avoir été "dégommé" par un GI, véritable torche vivante suscitant rires et applaudissements dans la salle alors que lui en était extrêmement choqué; ou encore, dans les relations de Stuart avec sa sœur -dont il semble limite amoureux- transparaît quelque chose du ressenti particulièrement traumatisant chez Dick pour sa propre sœur jumelle morte quelques semaines après sa naissance.

Mais plus encore que ces points relativement secondaires, le "dickophile" trouvera dans ce livre les ébauches d’éléments qui réapparaîtront dans les romans postérieurs de l’auteur. Par exemple, plusieurs protagonistes sont ici des esquisses de figures qui deviendront quasi archétypales dans l’œuvre de Dick: le héros modeste employé pris au cœur d’une situation qui le dépasse ou le patron républicain-paternaliste-humaniste d’une petite entreprise; ou encore le prédicateur charismatique, figure -décevante- du Bien, ou son pendant néfaste, personnage fascisant incapable d’empathie (notion centrale chez Dick). Il pourra même y repérer des indices de l’attirance de Dick pour la SF (la description faite par le révérend Beckheim, lors de sa conférence, des aptitudes des prophètes faisant largement penser à ce qui sera plus tard le pouvoir des "pré-cogs") ou la religion; ou discerner dans la situation d’isolement, au bord de la paranoïa, de Stuart lorsqu’il aura totalement disjoncté un brouillon de ce qui sera celle -plus dramatique- de Jason Taverner dans Coulez mes larmes, dit le policier.

Au final la lecture des Voix de l’asphalte présente essentiellement un intérêt historique pour le dévot "dickolâtre" (dont j’avoue être...). Pour les autres, ignorants de l’œuvre du Maître...

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commentaires

Y
<br /> As-tu lu "Pacific Park" ? J'ai l'impression que c'est la même veine ?<br /> Par ailleurs, mais j'imagine que j'enfonce des portes ouvertes, il me semble que le meilleur Dick hors SF soit "Confessions d'un barjot" (me rappelle plus du titre en VO, désolé).<br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Hello camarade.<br /> <br /> <br /> J'ai effectivement lu les Dick non-SF au fur et à mesure de leur parution en France (L'homme dont les dents étaient toutes exactement semblables,<br /> La bulle cassée, Humpty Dumpty à Oakland, Au pays des Milton Lumky, Pacific Park, etc) et<br /> malgré ma vénération pour l'auteur, je suis obligé d'avouer qu'aucun de ces romans ne m'a marqué, hormis effectivement les Confessions d'un barjot<br /> (Confessions of a crap artist) qui est -objectivement- bien meilleur..<br /> <br /> <br /> En revanche, pour fans dickiens, as-tu lu le synopsis écrit par Dick (publié en France dans un numéro spécial consacré à PKD de l'éphémère et excellente revue<br /> Science-Fiction -à ne pas confondre avec SF magazine !!-) d'un épisode jamais tourné de la série Les envahisseurs ? Ca, c'est à lire !!!<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />

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